La politique climatique est une politique économique, selon le directeur général du Pembina Institute
Compte tenu des enjeux économiques auxquels le Canada est confronté, la lutte contre le changement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne doivent pas être considérées comme incompatibles avec la mise en œuvre d'une économie résiliente, fait valoir Chris Severson-Baker, directeur général du Pembina Institute. En réalité, elles ne font qu'un.
« Vouloir une économie plus forte, vouloir lutter contre le changement climatique, ce sont des choses qui doivent se faire, et nous aimerions que tous les partis politiques les soutiennent », a déclaré M. Severson-Baker lors d'une récente entrevue. « Mais ces enjeux font l'objet d'une polarisation importante au Canada. C'est un défi. »
Depuis 40 ans, le Pembina Institute s'efforce de réduire cette polarisation en proposant des solutions pratiques et fondées sur des données probantes en matière de climat et d'énergie. Ce qui a commencé à Drayton Valley, en Alberta, une communauté ancrée dans l'industrie pétrolière, gazière et forestière, est devenu un groupe de réflexion national sur l'énergie propre qui influence les politiques provinciales et fédérales.
« Dès le début, le climat a été une priorité pour l'organisme, ce qui n'était pas le cas de nombreux autres organismes à l'époque », a souligné M. Severson-Baker. « Pendant de nombreuses années, il n'existait aucun moyen direct de lutter contre les changements climatiques. »
Les premiers travaux du Pembina Institute sur la pollution industrielle ont eu le double avantage de réduire les émissions de gaz à effet de serre, a-t-il indiqué. L'organisme a contribué à réduire les émissions de soufre de l'industrie lourde dans l'ouest du Canada afin de prévenir les pluies acides, une mesure qui a également permis de réduire les émissions de carbone. Elle s'est associée au secteur pétrolier et gazier pour limiter le torchage et le rejet de gaz de solution, un problème qui préoccupait les propriétaires fonciers de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, ce qui a également conduit à « une réduction spectaculaire des émissions de gaz à effet de serre », a déclaré M. Severson-Baker.
« Vouloir une économie plus forte, vouloir lutter contre le changement climatique, ce sont des choses qui doivent se faire, et nous aimerions que tous les partis politiques les soutiennent »
Chris Severson-Baker, directeur général du Pembina Institute
Pembina a également joué un rôle clé dans l'élimination progressive du charbon du réseau électrique de l'Alberta. Si ces initiatives visaient principalement à améliorer la santé humaine, M. Severson-Baker a souligné qu'elles « ont eu pour avantage de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre ».
Cette approche, a-t-il ajouté, a défini la mission de Pembina pendant de nombreuses années, jusqu'à ce que l'organisme puisse entreprendre de travailler directement sur les politiques en matière de changements climatiques.
Élaborer une politique à partir de zéro
Le travail de terrain de Pembina a ultimement influencé la politique nationale. L'institut a contribué à la négociation du premier plan climatique de l'Alberta, qui a ensuite inspiré des mesures fédérales telles que la tarification du carbone industriel, la réglementation sur le méthane et l'élimination progressive du charbon.
« Nous nous sommes appuyés sur nos racines albertaines, et d'un petit organisme local dans une ville riche en ressources nous sommes devenus un organisme national », a indiqué M. Severson-Baker. « Au fil du temps, nous avons démontré qu'il y a une base solide sur laquelle peut s'implanter une économie propre au Canada. »
Parmi les étapes clés, citons l'influence exercée sur le plan d'action climatique de la Colombie-Britannique en 2008, l'obtention de la décision de l'Alberta d'éliminer progressivement l'énergie au charbon dans les années 2010 et la contribution à l'établissement des énergies renouvelables et du captage du carbone comme technologies viables. « Nous étions un des rares organismes à traiter d'enjeux climatiques dans les années 1990 », a-t-il ajouté. « Nous avons réussi à inscrire la lutte contre les changements climatiques à l'ordre du jour national. »
Les défis à l'ère de la désinformation
Malgré ces succès, l'Institut se heurte à une résistance farouche. « Au Canada, certains acteurs [du secteur de l'énergie] bien établis et disposant de ressources importantes tentent de maintenir le statu quo », explique M. Severson-Baker. « Et il est plus difficile qu'auparavant d'être un groupe de réflexion scientifique à l'ère de la désinformation. Il y a quelques années, nous n'avions pas à faire face à des communautés sur les réseaux sociaux qui diffusaient de soi-disant faits non étayés par la science. »
Il demeure néanmoins optimiste quant à la trajectoire du Canada, d'autant plus que le monde se dirige de façon accélérée vers ce que l'Agence internationale de l'énergie désigne comme « l'ère de l'électricité ». La baisse des coûts des énergies renouvelables, des batteries et des véhicules électriques est en voie de remodeler les économies mondiales, a-t-il affirmé. Les investissements mondiaux annuels dans les énergies propres sont désormais deux fois plus élevés que ceux dans les combustibles fossiles, soit 2 000 milliards $ contre 1 000 milliards.
« Nous en sommes maintenant à un stade où nous n'avons plus besoin de subventionner autant les projets simplement pour prouver qu'ils sont réalisables, a-t-il déclaré. Nous devons trouver comment les déployer à grande échelle. Les provinces ont déjà lancé de grands appels d'offres pour de nouvelles sources d'électricité, car elles savent que l'extension du réseau est essentielle à la croissance économique. C'est ainsi que nous atteindrons réellement ces objectifs. »
Le rôle du Canada sur la scène mondiale
Pour M. Severson-Baker, en cette période unique où le Canada s'efforce de renforcer sa souveraineté et sa sécurité nationales en réaction aux menaces économiques des États-Unis, nous avons l'occasion de tirer parti de nos atouts en tant que superpuissance de l'énergie propre et de positionner notre pays pour qu'il soit à la pointe de la nouvelle économie de l'énergie propre.
Il a précisé que le Canada dispose d'un avantage mondial unique en matière de production d'électricité propre et peu coûteuse, qui peut attirer les investissements internationaux et favoriser la prospérité à long terme. « Les économies prospères de demain seront celles qui permettront à leurs citoyens et à leurs industries de s'électrifier », a-t-il déclaré. « Il n'y a aucune raison valable de faire autrement. ... Il y a de très bonnes raisons de penser que la poursuite de la décarbonisation de l'économie canadienne est ce qui garantira notre solidité et notre indépendance comme nation à l'avenir. »
« Les économies prospères de demain seront celles qui
permettront à leurs citoyens et à leurs industries de s'électrifier »
Chris Severson-Baker, directeur général du Pembina Institute
« Ce qui est le mieux pour l'économie canadienne est également ce qui est le mieux pour l'environnement. »
Pour le Pembina Institute, la collaboration et la création de coalitions sont essentielles pour faire progresser l'avenir de l'énergie propre au Canada. M. Severson-Baker a déclaré que se joindre à la Coalition pour un avenir meilleur était une étape naturelle.
« Nos missions sont parfaitement alignées : faire croître l'économie de manière véritablement durable et réduire les émissions d'une manière qui soutienne les Canadiens », a-t-il indiqué. « Nous comprenons vraiment l'intérêt de réunir des organismes qui savent rassembler les gens, de réunir des groupes diversifiés, de collaborer avec eux et de faire entendre leur voix dans le débat de manière unificatrice et non partisane. »
Il a souligné que la collaboration a été essentielle à chaque avancée environnementale majeure à laquelle le Pembina Institute a participé au Canada. « Il est vraiment important que les Canadiens entendent le message provenant d'autant de voix que possible : un avenir prospère à long terme pour les Canadiens et les populations du monde entier est également un avenir équitable et à faible émission de carbone », a fait valoir M. Severson-Baker.
En ce qui concerne le leadership gouvernemental, son message est clair : « La bonne nouvelle, c'est que ce qui est le mieux pour l'économie canadienne est également ce qui est le mieux pour l'environnement et pour les Canadiens. Une politique climatique et énergétique rigoureuse devrait donc être la ligne directrice de tout gouvernement. »
« La bonne nouvelle, c'est que ce qui est le mieux pour
l'économie canadienne est également ce qui est le mieux
pour l'environnement et pour les Canadiens.
Une politique climatique et énergétique rigoureuse devrait donc
être la ligne directrice de tout gouvernement. »
Chris Severson-Baker, directeur général du Pembina Institute
En revanche, il a mis en garde contre le fait de suivre l'exemple des États-Unis sous la présidence de Donald Trump, qui a ouvertement remis en question la science du climat et freiné de manière proactive le développement des énergies renouvelables. « Nous ne voulons pas suivre les États-Unis dans cette impasse », a déclaré M. Severson-Baker. « Nous voulons être compétitifs et prospérer dans l'économie florissante du zéro net, et non prétendre que le changement climatique n'est pas réel. »
Dans le contexte économique actuel, a-t-il déclaré, les gouvernements devront être prêts à fournir des réponses concrètes : « Quel est votre plan pour réduire les émissions tout en bâtissant une économie plus diversifiée et plus résiliente ? Nos dirigeants devraient pouvoir répondre. Jamais il n'y a eu autant que maintenant un moment pour renforcer la sécurité nationale du Canada grâce à un projet énergétique promis à nous rendre plus prospères, plus sains et plus résilients face à un monde de plus en plus turbulent, tout en réduisant les émissions et en faisant notre part pour lutter contre la crise climatique – et ce projet, c'est l'énergie propre.