Le Canada rural : un baromètre national et un impératif économique stratégique
Mont-Tremblant, Quebec. PHOTO: UNSPLASH
Par Jacques Lefebvre
Chaque jour de la semaine, des millions de Canadiens entreprennent leur journée par des routines familières : préparer les enfants pour l'école, se rendre au travail et, bien sûr, faire face à l'incertitude économique. À bien des égards, la guerre commerciale est devenue un sujet de conversation dans tous les foyers.
Si davantage de Canadiens comprenaient le rôle essentiel que joue le Canada rural dans la quête de solutions à l'incertitude économique, ils insisteraient pour que leurs dirigeants politiques consacrent plus de temps à légiférer en sa faveur. Car les communautés rurales sont un baromètre de la prospérité future du Canada.
Le Groupe pour la promotion de la prospérité rurale a demandé que chaque décision prise par Ottawa soit examinée sous l'angle rural. Je suis d'accord, et je pense que la plupart des familles canadiennes le seraient aussi si elles comprenaient comment la réussite des régions rurales influe sur leur vie et leur bien-être. Comme le dit le groupe, « pour construire et réaliser de grandes choses, et pour parvenir à une “économie canadienne unique”, ce sont les communautés rurales — leur mode de vie, leurs habitants et leurs richesses — qui transformeront un slogan en réalité pour chaque Canadien ».
Pourtant, avec près de 80 % des Canadiens vivant dans des zones urbaines, les préoccupations des habitants des zones rurales sont souvent négligées. Et ce, même si, selon Statistique Canada, les communautés rurales contribuent de manière disproportionnelle au PIB du Canada par rapport à leur part de la population. À l'heure où les appels à la création d'une « économie canadienne unique » se font de plus en plus pressants, le pays doit redoubler d'efforts pour relever les défis de nos régions moins peuplées.
Des racines rurales, une force nationale
Les communautés urbaines et rurales partagent de nombreux défis : l'inflation, le logement abordable, l'accès aux services et les personnes sans domicile fixe. Mais dans les zones rurales, ces problèmes sont souvent plus aigus en raison de contraintes structurelles. La pénurie de main-d'œuvre, l'insuffisance des infrastructures de transport et l'accès limité au haut débit sont des obstacles persistants à la croissance des petites communautés.
Prenons l'exemple de l'agriculture : certains producteurs adoptent de plus en plus la robotique pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre, mais sans connexion Internet à haut débit fiable, beaucoup ne peuvent pas tirer pleinement parti de ces avancées technologiques. Ces écarts de connectivité amplifient les inégalités, non seulement entre les villes et les communautés rurales, mais aussi, de manière plus flagrante, dans certaines communautés des Premières Nations. Ces disparités limitent le plein potentiel économique du Canada. Elles devraient préoccuper tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence.
Depuis la pandémie, la sécurité alimentaire est devenue une priorité absolue pour les Canadiens. Mais comment y parvenir? Le Canada rural détient les solutions. Notre prospérité future dépend des secteurs primaires – agriculture, pêche, exploitation minière, foresterie et énergie – qui opèrent tous en grande partie en dehors des centres urbains. Le Canada dispose d'une abondance de terres arables, d'eau douce, de sources d'énergie diversifiées, ainsi que d'une expertise dans l'exploitation de ces ressources. Cela nous confère un avantage certain sur un marché mondial en pleine mutation.
Les dirigeants ruraux doivent se faire entendre aux niveaux fédéral, provincial et territorial. Mais les réalités politiques constituent des obstacles : leurs demandes ont souvent moins de poids que les politiques qui ciblent les électeurs urbains. Pour surmonter stratégiquement ces circonstances, les acteurs ruraux et urbains doivent établir des partenariats durables.
Au début de l'année, la Coalition pour un avenir meilleur a fait valoir l'importance de combler le fossé entre les zones urbaines et rurales : « Les communautés rurales détiennent la clé de la résilience et de la stabilité à long terme du Canada, mais leur succès dépend d'une action décisive. » Nous avons tous un rôle à jouer, et les acteurs de tous les secteurs doivent amplifier ces appels afin de garantir que les priorités rurales restent résolument à l'ordre du jour au niveau national.
Les gouvernements peuvent être tentés de proposer des solutions fragmentaires. Mais pour réaliser pleinement le potentiel économique de notre pays, nous avons besoin d'une coordination nationale, c'est-à-dire d'un engagement de tous les niveaux de gouvernement à mettre en œuvre un plan de développement rural assorti d'objectifs mesurables et de rapports transparents. Cette approche doit s'attaquer aux obstacles systémiques qui freinent les contributions rurales, notamment les programmes de soutien obsolètes et les contraintes réglementaires qui découragent les investissements.
Cela peut sembler ambitieux, mais les progrès récents dans la suppression des barrières commerciales interprovinciales annoncent un changement important. Dans un contexte mondial en mutation, le Canada a l'occasion de repenser son approche du commerce et de mettre en place un développement économique plus inclusif et plus équilibré sur le plan régional.
Les enjeux sont importants. Pour saisir cette occasion, il faut une vision qui dépasse les cartes électorales et qui considère le Canada rural comme la pierre angulaire de notre prospérité économique future.
Jacques Lefebvre réside dans la communauté boisée et vallonnée de Chelsea, au Québec, et est depuis longtemps un ardent défenseur du Canada rural. Fort de plusieurs décennies d'expérience dans les domaines des soins de santé, de l'agriculture et de l'agroalimentaire, ainsi que des politiques publiques axées sur les Canadiens, il siège actuellement au comité consultatif de la Coalition pour un avenir meilleur.